- Est-ce la « montée des eaux » ? Actuellement, le niveau de l’eau monte (à Marseille) de 2,6 millimètres par an et, d’après les graphiques des scientifiques, entre 1980 et 2020 l’eau de la Mer Méditerranée serait montée de moins de 8 cm. Petit calcul mathématique. Imaginons une plage de 10 m de large, avec une pente de 10%. Si l’eau monte de 7,5 cm en 30 ans, de combien de mètres la plage va-t-elle se rétrécir? Réponse: 75 cm. La plage au lieu de mesurer 10 m, mesurera 9,25 m. La disparition de la plage ne résulte donc pas – pour l’instant – de la montée des eaux.
- Est-ce uniquement une question d’érosion naturelle ? On ne constate pas la même disparition pour les autres plages de Six-Fours : plage du Cros, plage de la Coudoulière, plage de Roches Brunes , plage de Bonnegrâce, etc. Ces plages existent toujours. En fait, on constate même le phénomène inverse : plusieurs plages, comme la plage de Bonnegrâce ou la plage du Cros, se sont agrandies (voir photos ci-dessous). Seule la plage du Rayolet est en train de disparaître complètement. L’érosion naturelle est partout. Pourquoi une seule plage aurait disparu ?
Outre une partie d’érosion naturelle, il y a d’autres facteurs (comme la bétonisation du cours de la rivière du Rayolet). Mais l’un des facteurs les plus importants semble avoir été le « nettoyage » de la plage, pendant une trentaine d’années, des « banquettes » de posidonies. Chaque matin, pendant la période estivale, des tractopelles venaient retirer les algues accumulées sur la plage. Le nettoyage mécanique au moyen de bulldozers, des années 1980 aux années 2010, a fortement dégradé la plage du Rayolet. Pour deux raisons :
- Les banquettes de posidonies contiennent entre 5% et 85% de sable. Chaque jour, tout en retirant des camions et des camions d’algues mortes (les fameuses posidonies), les pelleteuses retiraient également du sable. Au bout de 20-30 ans de tractopelles quotidiens, le niveau du sable est descendu de plus d’un mètre ! Ce que nous constatons, en effet, n’est pas que l’eau est montée, mais que le niveau du sable, devant les murs des riverains, a baissé d’au moins un mètre ! Résultat, la mer a avancé et la plage disparaît. Si l’on recommence le même calcul mathématique: que se passe-t-il si, pour une plage de 10 m de large et avec une pente de 10%, on retire 1 m de sable? Réponse: la plage est réduite à zéro = 0 m.
- Les « banquettes de posidonies » constituent des boucliers naturels (et écologique) de protection des plages contre l’érosion. En supprimant les banquettes de posidonies, le sable n’est plus retenu sur la plage et s’en va par forte houle. De plus, les sédiments produits par la dégradation de ces posidonies fournissaient des nutriments à l’écosystème, dont les herbiers vivants de posidonies stabilisant le sable dans les fonds marins.
Était-ce une bonne idée de retirer les posidonies?
Laissons la parole à des spécialistes : « Dans les années 1980s, après un siècle de tourisme posidonies-compatible (…), les opérateurs du tourisme et certains maires de communes littorales ont ‘vendu’ le concept de plages artificiellement ‘propres’, c’est-à-dire libres de posidonies (…). Le ‘nettoyage’ des plages, qui fait souvent appel à des engins lourds, constitue la première étape d’un dramatique ‘cercle vicieux’. Les plages, désormais non-protégées, sont emportées lors des tempêtes ; il s’ensuit de coûteuses opérations de ré-ensablement ; ce sable, emporté à son tour, ensevelit et détruit les herbiers adjacents de P. oceanica ; or ces herbiers protègent également les plages contre l’érosion ; leur régression accélère donc le recul des plages ».[1]
[1] Boudouresque, Charles et al. (2017). The high heritage value of the Mediterranean sandy beaches, with a particular focus on the Posidonia oceanica « banquettes »: a review. Scientific Reports of Port-Cros National Park. 31. 23-70, p.24.
Du point de vue de la conservation des plages, mieux vaut laisser les posidonies. À Sanary, la plage de Portissol gagne du terrain sur la mer grâce aux posidonies
Sur d’autres plages de Six-Fours, la Mairie a compensé le phénomène du passage des tractopelles en :
- rajoutant du sable (par ex. « engraissement de la plage des Roches Brunes »)
- en mettant des enrochements en forme de « T » dans l’eau pour casser les vagues (par ex. La Coudoulière).
En revanche, il n’y a jamais eu de rajout de sable sur la plage du Rayolet ni d’enrochement pour casser les vagues et maintenir le sable en place. Le résultat de cette différence de traitement : notre plage a disparu !