Une plage abandonnée?

La Mairie a investi des sommes considérables depuis plusieurs décennies pour créer des plages artificielles ou agrandir des plages existantes (Bonnegrâce, la Coudoulière, Rochebrune, etc.). Des millions ont été dépensés pour la digue de la Coudoulière et le port Méditerranée. La Mairie engage actuellement d’importants travaux pour la plage du Cros. Coût estimé : 3,5 millions €. Pendant ce temps, aucune action n’est entreprise pour arrêter la disparition progressive de la plage du Rayolet, une des plus belles plages de Six-Fours. Son accès devient plus difficile, voire dangereux, d’une année à l’autre, faute d’entretien de la plage, de l’escalier d’accès et de la réparation des murs qui longent l’escalier. Pourtant, cette plage reste populaire et de nombreux Six-Fournais et touristes bravent les obstacles pour s’y baigner.

L’escalier d’accès à la plage en juillet 2025

La plage du Rayolet, une des deux plus grandes plages naturelles de Six-Fours-les-Plages, est la seule parmi les six plages plages principales à être ainsi abandonnée. La Mairie a cessé de renouveler la demande de concession « en raison des trop nombreux travaux nécessaires à sa réfection », a rappelé M. Vialatte en 2019.

La zone où se trouve le poste de surveillance de la plage (juillet 2024)

Abandon de servitude, semi-privatisation et fermeture de l’accès à la plage

En 2023, la Mairie signifie à un des lotissements riverains qu’elle envisage de renoncer à une servitude d’utilité publique concernant le passage piéton permettant d’accéder à la Plage du Rayolet: « La commune renonce à maintenir ce passage et vous autorise à le fermer au public ». Ce qui impliquera « de faire les formalités d’urbanisme nécessaires quant à sa fermeture (pose de portillon ou autre) ». Ce renoncement de servitude s’accompagne du transfert au lotissement privé de la charge de l’entretien de l’escalier d’accès, assorti d’un transfert de responsabilité légale vers ce même lotissement privé. Ce sera désormais au lotissement concerné et non plus à la municipalité « d’entretenir et d’assumer la responsabilité de ces espaces ». La responsabilité légale de ce lotissement étant désormais engagée en cas d’accident consécutif à l’écroulement d’un mur ou du non-entretien de l’escalier, les colotis décident de fermer complètement l’accès à la plage en murant la descente d’escalier. Les travaux démarrent en juin 2024.

Début juillet 2024 l’escalier d’accès à la plage est muré

La réaction des usagers de la plage ne se fait pas attendre.

Quelques jours après sa construction, des usagers furieux taguent le mur et menacent de le démolir eux-mêmes

Une pétition est lancée qui réunit plus de 1850 signatures. Les pétitionnaires saisissent le Préfet et la Mairie. La presse s’intéresse au sujet et donne la parole aux différents protagonistes (ci-dessous article de Var Matin du 5 juillet 2024).

Face à cette levée de boucliers, la Mairie demande la démolition du mur.

Démolition du mur le 17 juillet 2024

La démolition du mur sonne comme une victoire pour les usagers de la plage. Néanmoins, la victoire a un goût mitigé, car des grillages remplacent le mur. Comme l’expliquait Valérie Lacarrière, qui avait lancé la pétition en ligne dans Var Matin du 17 juillet 2024: « Maintenant il va falloir faire lever l’arrêté pour avoir l’autorisation de se balader sur la plage et le littoral. »

Une plage interdite de stationnement, de circulation et de baignade

Arrêté du maire du 16 avril 2024

Effectivement, depuis 2022, la plage du Rayolet a plusieurs fois été interdite de circulation, « stationnement piétonnier » et même de baignade par arrêtés de la Mairie de Six-Fours, sous peine de procès-verbal.[1]

Pour quelle raison ? Parce que des murs de riverains de la plage, et les murs bordant l’escalier d’accès à la plage, risquent de s’écrouler.

L’eau affouille sous les fondations des murs de plage

La plupart des murs de plage, dans les 2 à 10 ans à venir, risquent de s’affaisser.  Ils n’avaient pas été conçus pour résister à un contact direct et permanent avec la mer qui creuse sous les fondations. Résultat : plusieurs de ces murs, fragilisés, commencent à s’écrouler ou menacent de s’écrouler. Les riverains sont alors sommés par la Mairie d’effectuer des travaux pour éviter la chute des murs. Mais si un riverain demande une autorisation de travaux pour consolider son mur de plage, côté plage, le seul côté qui permettrait une véritable consolidation des fondations, celle-ci va probablement lui être refusée par la DDTM. D’un côté, une autorité publique exige des travaux; de l’autre, une autre autorité publique interdit ces travaux: le chat se mord la queue, tourne en rond et s’interroge sur l’auteur de ses douleurs. Et tant que les travaux n’ont pas été réalisés, la plage est interdite aux usagers.

Chaque propriétaire tente de remédier à la situation avec des solutions diverses, qui relèvent parfois du « bricolage » et pas forcément pérennes. Certains vont gagner un an ou quelques années avec des « pansements » collés sur des jambes fortement gangrenées. En l’absence d’une politique cohérente de sauvegarde de cette plage, le processus qui va provoquer la chute des murs peut s’étaler sur 10 ans. Pendant une dizaine d’année, la plage risque d’être souvent interdite du fait de ces risques d’écroulement, privant les Six-Fournais et les touristes d’une des plus belles plages naturelle du Brusc.

À terme, le processus de « laisser-faire » pourrait conduire au « recul du trait de côte », ce qui signifie concrètement l’expropriation d’une cinquantaine de propriétaires riverains sur la Plage du Rayolet.

Certains se réjouissent de ce futur « recul du trait de côte ». Mais faut-il s’en réjouir?

  • Pour les usagers de la plage, ils risquent d’être privés de cette plage pendant toute la période d’écroulement progressif des murs.
  • Pour les propriétaires riverains, ils risquent de tout perdre sans la moindre indemnisation car ce changement serait considéré comme un « fait naturel » et non comme une expropriation au sens classique du terme. Ou au mieux, toucher des indemnités beaucoup plus faibles que ce que valaient leur maison avant cette politique de « laisser-faire ». La Loi Climat et Résilience (2021) ne garantit ainsi absolument pas une indemnisation pour les propriétaires qui perdent la jouissance de leur terrain.
  • Quant à la municipalité, que va-t-elle y gagner? Exproprier une cinquantaine de riverains risque de coûter quelques dizaines de millions d’euros. Refuser de les indemniser et se lancer dans des contentieux pourrait également s’avérer très onéreux. Pendant tout ce temps, Six-Fours perdra une de ses plus belles plages. Et au bout du compte, même si l’on offrait 10 m de bande côtière en sacrifice au dieu Poséidon, l’appétit du dieu marin ne s’arrêtera pas à cette première bouchée. Même après avoir livré 3 m ou 10 m de bande côtière, les travaux de stabilisation du rivage seront toujours nécessaires et ils ne seront pas moins onéreux dans dix ans qu’aujourd’hui. Qu’a-t-on à gagner à attendre?

Et est-ce une bonne idée pour Six-Fours-les-Plages d’abandonner ses plages? Les cinq autres plages sont déjà bondées, Six-Fours peut-elle se permettre le luxe de renoncer à l’une de ses plages? Six-Fours dépense des millions pour développer son attractivité touristique liée à ses rivages, en créant et développant des infrastructures portuaires, et se prive d’une partie de ce patrimoine naturel en ne l’entretenant pas?

Et si, dans dix ans, la raréfaction de l’eau conduit à des interdictions d’alimenter en eau les piscines dans le Sud de la France, ne regrettera-t-on pas la perte de cette plage de sable fin à l’eau transparente?

La disparition de la plage du Rayolet n’est pas une fatalité. Des solutions techniques existent, pas forcément onéreuses, pour stabiliser cette plage et la restaurer. Si vous refusez son abandon par la mairie, adhérez à notre association et signez la pétition !


[1] Par ex. Arrêtés du Maire du 8 novembre 2022 et du 16 avril 2024.